J’ai eu le plaisir de co-animer avec une amie de l’Allier une visio-conférence sur le médecin généraliste, avec en invité le Docteur Xavier Francisco, médecin d’une commune semi-rurale du Nord Isère, afin de discuter autour de 3 questions :
Quelle a été l’évolution de la profession de médecin généraliste ?
Pourquoi cette profession a été amenée à faire grève les 1 et 2 décembre de cette année ?
Quel avenir pour la médecine libérale avec la loi santé 2022 ?
Il nous a expliqué son métier, pourquoi il s’est engagé dans des études de médecine, sa vision du rôle du médecin généraliste et ses réflexions sur l’avenir de cette spécialité.
Nous nous sommes intéressés aussi à la vision du citoyen et du politique sur la place du médecin dans la société.
La médecine est libérale et ses principes remontent au début du siècle dernier. Elle repose sur le libre choix, la rémunération (honoraires) et le monopole des soins.
Dans les années 80 les médecins sont très nombreux, la concurrence s’installe avec son corollaire, le développement d’une forme de consumérisme du soin. La médecine est devenue un marché rentable, notre sécurité sociale tant critiquée fait des envieux auprès de ceux qui ne rêvent en fait que de la privatiser.
Le nombre de médecins généralistes chute et cela depuis longtemps déjà. Le nombre d’étudiants formés a baissé dans des proportions importantes avec l’instauration d’un numérus clausus dont les gouvernants en place pensaient à tort qu’il conduirait à une diminution de la demande de soins dès lors que l’offre de médecins se réduirait arithmétiquement. C’était sans compter sur le vieillissement de la population et l’habitude que nous avions prise de consulter facilement. La motivation principale a probablement été, comme souvent, celle des économies immédiates, une politique du tableur excel en quelque sorte.
Moins de généralistes par manque d’étudiants formés mais aussi perte d’attractivité du métier conduisant les étudiants à s’orienter vers des spécialités plus valorisées socialement et financièrement. La médecine généraliste est reconnue très tardivement comme une spécialité et nous soulignons le paradoxe entre cette reconnaissance et le dédain vis-à-vis de cette profession.
Une telle reconnaissance n’est pas étrangère au fait que de « bons étudiants » de 6ème année choisissaient la médecine générale.
La pénurie de médecins généralistes est d’autant plus critique que nous sommes obligés d’avoir un médecin traitant pour accéder aux spécialistes. Beaucoup de personnes n’ont pas de médecin traitant, y compris des patients en Affection de Longue Durée (ALD) et certains de nos invités ont témoigné dans ce sens. Certains spécialistes refusent l’accès direct aux patients non orientés par un médecin traitant tient à souligner l’un d’eux.
L’argent est-il le carburant du médecin généraliste ? C’est vrai que l’argent est pour un certain nombre d’entre eux une motivation et il est dommage que la presse ait mis l’accent sur la demande d’augmentation du tarif de la consultation en relatant le mouvement de grève des 1et 2 décembre, alors que les communiqués des syndicats de médecins font état de bien d’autres préoccupations.
Pour autant le médecin généraliste doit être rémunéré à la hauteur de sa contribution au soin individuel bien sûr mais aussi à celle de la santé publique et de la prévention. Il faut souligner que L’évolution du régime de rémunération des médecins généralistes leur permet de percevoir ce qu’on appelle des revenus sur objectif de santé publique. C’est une bonne chose. Notre discutant nous expliquait qu’à l’époque où il était encore un étudiant l’un de leur professeurs leur expliquait que la consultation de temps intellectuel disparaîtrait. Une telle affirmation était prémonitoire ! La rémunération à l’acte ne permet pas la prise en compte de la dimension globale de la personne et on le constate par exemple avec les centres de santé qui auraient bien du mal à survivre sans le soutien financier des collectivités locales.
Soigner c’est prendre une décision en fonction de l’état des connaissances et de l’intérêt du patient. Le médecin généraliste doit conserver son indépendance. Elle garantit sa réflexion et son indépendance vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques car on est toujours dépendant de celui qui vous paye.
L’avenir de la médecine se discute en ce moment. L’hôpital du futur avec une dissociation du soin et de l’hébergement, la délégation de tâche à des infirmières de pratique avancée sont-ils porteurs de solutions à la crise que nous traversons, répondent-ils à un idéal, rien n’est moins sûr.
Nous avons évoqué bien d’autres sujets comme les centres de santé, les centres pluridisciplinaires, la confidentialité des données médicales qui peut être malmenée par leur présence sur le web.
La relation entre le médecin et le patient est une relation singulière qui se construit avec le temps. Il faut veiller à ce que le contact humain ne s’efface pas devant une collation d’observations faites par un ensemble « d’acteurs de la santé » à la compétence variable.
En guise de conclusion, le médecin généraliste doit garder une vision c’est-à-dire des compétences sur tous les domaines, forcément parcellaires, mais surtout garder sa capacité à saisir les alarmes qui le conduira s’il ne peut pas le soigner lui-même à diriger son patient vers un spécialiste. Comme dans beaucoup d’autres métiers réflexion et paperasserie ne font pas bon ménage.
Oui la médecine générale peut être une vocation, un sacerdoce et nous en avons eu hier soir un très beau témoignage.