J’ai participé à la visio-conférence « l’autonomie économique des femmes, quels défis ? Pour une approche féministe de l’accompagnement professionnel des femmes » organisée par la Fédération nationale des Centres d’information des femmes et des familles (FNCIDFF).
Une conférence qui a permis de croiser travaux de recherche et expériences de terrain.
Depuis plusieurs décennies les CIDFF agissent pour favoriser l’accès des femmes au travail et ainsi accéder à l’autonomie. Leur intégration dans des dispositifs classiques d’insertion est difficile car il faut préalablement lever un certain nombre de freins spécifiques comme la mobilité, la garde d’enfants, ou l’éloignement des services publics. Il faut travailler sur les choix professionnels comme sur la fracture numérique. Mais il faut aussi parallèlement sensibiliser les opérateurs de l’insertion et de l’emploi.
La crise sanitaire a exacerbé les problématiques de l’emploi des femmes sur lesquelles a pesé une charge mentale très forte (soins, garde d’enfants, école…). Cela a eu des conséquences sur leur qualité de vie et leur insertion dans l’emploi (notamment pour les familles monoparentales, les primo-arrivantes…). La recherche d’emploi a été reléguée au second plan.
Les femmes sont les grandes oubliées du plan de relance. Des « mesures ambitieuses » s’imposent et des propositions seront formulées auprès des candidats à l’élection présidentielle.
La conciliation des temps est-elle encore possible ? le partage du temps est inégalitaire et ce n’est pas nouveau. 60% du temps domestiques et 65% du temps parental pèsent sur les femmes. Ou sont les nouveaux pères dont les media nous parlent (une minute de travail en plus en 10 ans !). Les pères investis restent invisibles. Les organisations collectives de pères féministes sont absentes et lorsque les pères se regroupent c’est pour garder le contrôle des femmes après la séparation. Lorsqu’ils s’investissent ils vont avoir tendance à monnayer leur investissement en devenant consultant par exemple.
La covid a ajouté le télétravail et un temps scolaire avec « l’école à la maison ». Les femmes sont passées d’une double à une triple journée sans indemnisation.
Parler de « l’école à la maison » a laissé penser que tout parent pouvait faire le travail et surtout les mères. Le choix des mots n’a pas été réfléchi et cela a contribué à « naturaliser les capacités de transmissions » et à dévaloriser les enseignants. Les femmes ont télétravaillé dans de mauvaises conditions, lieu non adapté, enfants à s’occuper plus ou moins en même temps.
Aucun débat n’a été engagé par les pouvoirs publics pour rééquilibrer l’impact de cette période sur les femmes alors même que des mères de famille seules étaient en première ligne par leur métier (soignantes, caissières…)
Parentalité et maternité sont renvoyées à la vie privée alors même que les choix sont influencés par la puissance publique au travers de normes, ou de récits (contrôle de la natalité, diabolisation des femmes seules, indépendantes, condamnation de l’avortement). L’univers féminin est placé sous contrôle. La parentalité, la maternité sortent dans le débat public lorsqu’on évoque la délinquance imputée à l’absence de figure paternelle ou une inquiétude sur la baisse du taux de natalité.
La crise sanitaire a eu des conséquences sur la santé des femmes. Des problématiques nouvelles ont émergé mais des problèmes existants se sont accentués comme les violences au sein du couple, les difficultés à accéder à l’IVG, le renoncement aux soins pour des motifs qui relèvent de facteurs économiques mais aussi de difficultés liées à la garde d’enfants, à des cabinets médicaux qui n’accueillent que la personne qui consulte, à la fermeture de structures de soins. Il faut apprendre aux femmes à se soigner aussi pour elles-mêmes.
Les hommes et les femmes présentent des formes différentes de covid. Les hommes font les covid médiatisés (réanimation) et les femmes notamment les jeunes femmes sont surreprésentées dans les covid longs avec des symptômes typiques de maladies dites féminines difficiles à objectiver.
Les inégalités renaissent lorsque les femmes ont un emploi. Les emplois se situent dans des secteurs non mixtes, il y a une sur-représentation des femmes dans les métiers non qualifiés car leur qualification et leurs compétences ne sont pas reconnues. Le temps partiel est majoritairement féminin, à durée indéterminée avec des conditions de travail (durée du travail, horaires atypiques) qui conduisent à l’amplitude journalière d’un temps plein payé à temps partiel.
La pauvreté en emploi s’est étendue ces dernières décennies. L’insertion sur le marché du travail n’est pas suffisante pour assurer l’autonomie financière.
La crise sanitaire a accentué la précarité et la pauvreté des femmes, elle a révélé la sous-valorisation des métiers exercés par les femmes. Or des réformes en cours comme celle de l’assurance chômage vont pénaliser les femmes.
Il faut continuer à inciter à une augmentation du taux dans l’emploi des femmes mais également se pencher sur les conditions de travail et de rémunération quand on sait que 80% des personnes payées au SMIC sont des femmes. Une revalorisation des métiers féminins s’impose en s’attaquant aux fondements de cette situation à savoir la non mixité des métiers mais aussi aux résultats avec les conditions du temps partiel. Il faut prendre en compte les temps de transport, revaloriser le temps passé à s’occuper d’une personne.
Il n’y a pas d’acquis durable en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et le risque existe d’un recul de cette attente.
Quant aux politiques publiques elles peuvent avoir un impact positif ou négatif sur l’emploi des femmes. L’adoption du nouveau régime d’assurance chômage n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact. Le plan de relance concerne-t-il des secteurs qui emploient des femmes et des hommes ? C’est la question de l’égo-conditionnalité.
La campagne présidentielle est un enjeu pour les changements structurels nécessaires pour passer d’une égalité de droit à une égalité de fait.