Une soirée organisée par le collectif Roosevelt Isère sur les inégalités et les principaux enseignements qu’en tirent Thomas Piketty, économiste français dont les travaux portent sur les inégalités, la répartition des richesses et la fiscalité.
La question de l’accroissement des inégalités est majeure : le revenu est déconnecté du mérite ou de la productivité. 70% des patrimoines sont hérités.
L’accroissement des inégalités met à mal la cohésion sociale et la démocratie (difficultés d’accès aux soins ou au logement par exemple). Les risques de tensions, de conflits sont présents. Danger de voir les plus aisés peser plus fort dans la décision politique. L’accroissement des inégalités est également porteuse d’instabilité financière (Crise financière de 2009).
Les inégalités résultent de choix de répartition primaire de la richesse (Thomas Piketty ne traite pas de la répartition secondaire qui résulte des transferts sociaux).
L’histoire de la répartition des richesses au cours du XXème siècle montre que de 1910 jusqu’à 1945 le stock de capital, trois fois supérieur au PIB, est détenu par une petite partie de la population.
En 1945 les inégalités régressent en raison d’évènements politiques et économiques auxquels la France est confrontée (Deux guerres mondiales, crise de 29). Du capital a été détruit (logements, usines…) et ce sont les 10% les plus riches de la population qui en ont subi les pertes.
De 1945 à 1968 les inégalités se creusent à nouveau car la priorité du pays est la reconstruction et non pas la réduction des inégalités. La période 1968/1981 voit se réduire les inégalités avec les accords de Grenelle et les augmentations du SMIC par exemple. Avec le tournant de la rigueur en 1982 les bas salaires vont stagner et les inégalités vont repartir à la hausse.
Aujourd’hui le stock de capital qui valait 7 fois le PIB avant les crises est reconstitué. Si néanmoins les inégalités ne se sont pas creusées, c’est que le patrimoine est moins inégalitairement réparti. En 1910 90% du patrimoine est détenu par les 10% les plus riches. Depuis 1970 10% de la population détient 60% du patrimoine. Les bénéficiaires de cette répartition sont les classes moyennes patrimoniales.
La situation peut-elle se dégrader ? il faut partir du taux de croissance et le comparer au taux de rendement du patrimoine. Si le taux de rendement du patrimoine est supérieur au taux de croissance les inégalités sont très fortes. Le revenu du patrimoine augmente plus vite que le revenu national, au détriment de la part du revenu du travail.
Jusqu’en 1910 le capital est concentré et les inégalités de revenus sont importantes.
A partir de 1910 le rendement du capital chute du fait de la destruction d’une partie du capital et d’une fiscalité du patrimoine.
De 1950 à 2012 le taux de rendement du capital augmente. C’est la période des 30 glorieuses. Le taux de croissance est supérieur au taux de rendement du capital durant tout le XXème siècle. Les inégalités diminuent alors même que le stock de capital est élevé.
Et à l’avenir ? Pour Thomas Piketty les taux de croissance élevés ne reviendront pas : la population diminue et les gains de productivité ne sont pas aussi efficaces que ceux des 30 glorieuses. Il y a un risque à ce que l’imposition du capital soit de moins en moins élevée puisque les Etats se font concurrence pour attirer les capitaux. Même avec un taux d’imposition à 30% le taux de rendement du capital est supérieur au taux de croissance et les inégalités se creusent.
La solution se trouve dans la fiscalité. La fiscalité française est pour l’essentiel une fiscalité proportionnelle. L’impôt sur le revenu qui est un impôt progressif ne représente que 5,7% des recettes fiscales. Thomas Piketty préconise de taxer non pas les revenus du capital mais de taxer le stock de capital excédant un certain montant. L’intérêt de cette mesure est de faire contribuer les plus riches et d’avoir une connaissance précise du patrimoine qui permet de mettre en œuvre des politiques efficaces en période de crise. Cette idée peut servir de point de repère pour juger les propositions politiques des candidats. La réflexion est ouverte.