« Enfants sans état civil, femmes sans droit » : Colloque organisé à Bourg-en-Bresse par l’association Regards de Femmes dans le cadre de la troisième quinzaine de l’égalité Rhône-Alpes.
La journée a mis en évidence l’importance et le rôle de la déclaration de naissance. Dans beaucoup de pays, en Afrique par exemple, beaucoup d’enfants ne sont pas déclarés et n’ont donc accès à aucun droit. Ils sont invisibles au regard du droit à la santé, à l’éducation. Les filles en particulier sont plus nombreuses à ne pas être déclarées. Or la déclaration qui donne une existence juridique est indispensable pour accéder à la citoyenneté et à l’égalité. Le droit est le premier facteur de l’évolution de la situation des femmes. Le progrès de l’égalité passe par la reconnaissance des femmes comme sujet de droit.
Le service public de l’état civil est un droit absolu pour chaque être humain souligne Maître André Vianès avocat au barreau de Lyon. C’est un droit qui reconnaît l’individu comme sujet de droit. C’est un droit individuel fondamental. C’est un droit conquis contre la misère économique, la nécessité de survie. C’est un droit conquis contre les oppressions sociales et religieuses, contre le despotisme de la coutume et de la tradition. Une personne sans état civil es un « vivant non existant ». L’enregistrement des personnes à la naissance est une nécessité pour l’Etat. L’Etat n’est rien sans identification individuelle. Pas de politique de santé, pas de politique éducative, pas de sécurité personnelle (mariages forcés, prostitution, traites de mineurs).
L’état civil est important pour les Etats, les politiques publiques et la population observe Petra Lanz, directrice, à la représentation du programme des Nations Unies pour le développement à Genève.
Les déclarations de naissance permettent la production des données démographiques pour élaborer des plans de développement des pays.
Etre déclaré est le premier des droits. C’est « un droit qui donne des droits ». Etre une femme est un obstacle supplémentaire à la déclaration de naissance. Il faut donc renforcer la capacité des femmes. La coopération décentralisée en matière d’état civil montre son efficacité.
Est posée également la question de qui déclare et qui peut être déclaré avec l’intervention de Madame Aicha Ech-Chenna, Présidente de l’Association Solidarité féminine au Maroc sur les mères célibataires et les enfants sans nom. Au Maroc si on ne dispose pas du nom du grand père on est un bâtard et on peut être exclu de certaines fonctions. Les mères célibataires n’obtiennent pas d’acte de naissance car elles ont fait honte à la famille. Madame Ech-Chenna souligne que les femmes marocaines sont attentives à l’obscurantisme qui se développe chez nous en France. En 2013 au Maroc être enceinte et célibataire conduit à la rue. 24 bébés sont abandonnés chaque jour, 153 enfants naissent hors mariage.
Les freins à la déclaration de naissance sont nombreux expliquent Michèle Vianès, Présidente de Regards de Femmes : La déclaration de naissance n’est pas perçue comme un droit fondamental, le lieu de naissance est éloigné du service de l’état civil, les procédures sont payantes et les structures de l’état civil sont insuffisantes. Les mères ne peuvent pas déclarer si le père est absent ou refuse de reconnaître l’enfant. Lorsque cela leur est possible elles pensent néanmoins qu’elles ne peuvent pas déclarer comme au Vietnam.
Les femmes qui ne sont pas scolarisées déclarent moins leurs enfants. Les filles sont moins déclarées que les garçons et cela permet de cacher les infanticides.
Des témoignages de bonnes pratiques pour faciliter la déclaration des naissances au Mali, en Côte d’Ivoire, au Bénin ou au Sénégal ont été présentés.
En tant qu’élue en charge de l’Etat civil je me suis exprimée sur les actions de coopération décentralisée que nous menons avec la ville de Ouagadougou au Burkina Faso par des échanges d’expériences entre agents des deux collectivités ainsi que sur le travail accompli par l’état civil de Ouagadougou en ce qui concerne la modernisation du service de l’état civil et l’enregistrement des naissances, des mariages et des décès. La coopération décentralisée que la ville de Grenoble mène dans ce domaine a été saluée par les participants. Au-delà de l’appui technique qu’elle apporte, elle valorise les agents qui mobilisent leurs savoir-faire et leurs compétences au service des autres.
En clôture de cette manifestation a été lancé l’appel international pour faire valoir les droits des femmes à déclarer la naissance de leurs enfants quel que soit leur statut marital et pour qu’un service public gratuit et obligatoire ouvert à tous les individus soit organisé par chaque Etat.
Après avoir écouté ces témoignages de femmes engagées, combatives, militantes de la déclaration de naissance, on ne regarde plus un service d’état civil comme une simple administration familière du paysage communal mais comme une administration qui concourt elle aussi à l’exercice de la citoyenneté et donc de nos droits.